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CELLE. Le compositeur Pierre Cholley reste au début sur sa réserve. Ce n'est qu'à la fin de l'entretien qu'il raconte de quelle façon un chef de chœur a attiré son attention sur les textes de Zalman Gradowski écrits en camp de concentration et jamais publiés auparavant, textes que d'autres compositeurs n'avaient pas voulu mettre en musique jusqu'à ce que lui se sente investi du devoir de tenter l'impossible. Il n'a finalement pas mis en musique ces textes mais les a insérés comme textes parlés entre les parties musicales constituées de poèmes également écrits en camp de concentration.
Dans le milieu musical français, Pierre Cholley fait figure de marginal. "En France, lorsqu'un compositeur d'aujourd'hui écrit une musique qui plaît au public, il est mal vu. On estime d'emblée que ça ne peut être que de la mauvaise musique". Pas de doute : Cholley compose une musique beaucoup plus accessible que la plupart de ses collègues français et étrangers. Cholley se considère dans la tradition d'un Leonard Bernstein qui n'a jamais accepté les prétendues différences entre la musique sérieuse et la musique de divertissement.
Pour ce dernier, il n'y avait que de la bonne musique. Ce qui serait aujourd'hui rejeté par la plupart des compositeurs contemporains, à savoir écrire de la musique de film, ne constitue pas un problème pour Pierre Cholley, de plus en plus détendu et disert au fur et à mesure de la conversation. Dans le Chant des Rouleaux qui retentira ce soir sous les voûtes de notre église, on trouvera des passages d'une écriture illustrative proche de la musique de film.
Mais outre cela, la musique de Cholley possède trois caractéristiques : le compositeur développe son langage mélodique en s'appuyant très étroitement sur la prosodie du français. La comparaison avec Leos Janacek n'est d'ailleurs pas pour lui déplaire. Cholley s'efforce également de transposer l'atmosphère des textes dans un langage musical sensible, riche en couleurs et en sensualité. Et enfin, il travaille dans des styles très différents. Ceci confère à sa musique une grande variété et la rend relativement facile à écouter.
Une chose demeure essentielle pour le compositeur comme pour les deux chefs Winkler et Legée : ils veulent faire passer le processus artistique de réconciliation inscrit dans cette musique. Pour François Legée, cet événement constitue "une démarche artistique propre à résoudre la question de la compréhension entre Français et Allemands". Nul besoin durant cet entretien d'évoquer la réconciliation entre les victimes des persécutions nazies et leurs auteurs : cette pièce musicale en constitue pour ainsi dire le symbole.
Naissance d'un langage musical original
L'exécution de l'oratorio "Le Chant des Rouleaux" le week-end dernier a été une réussite totale. La musique du compositeur Pierre Cholley s'inspire de modèles anciens ; elle a cependant donné naissance à quelque chose de complètement nouveau. Les chœurs de Nancy et de Celle se sont révélés très homogènes. CELLE. Le samedi à Celle, le dimanche à Berlin ? les membres du chœur municipal en collaboration avec leurs partenaires de Nancy, le chœur et l'orchestre du "Gradus ad Musicam", ont derrière eux un week-end bien rempli. L'exécution de l'oratorio "Le Chant des Rouleaux", composé sur des textes de détenus des camps de concentration nazis, devait constituer l'événement majeur de la vie culturelle locale. Et ce fut le cas. Après le chant yiddish qui clôt l'œuvre aux sons d'un accordéon qui s'éteint, un silence de plusieurs secondes a suivi, avant que ne retentissent des applaudissements nourris, en particulier pour le compositeur. La musique de Cholley est très étonnante. Elle utilise des procédés traditionnels, apparaît même à certains moments un peu ringarde et pourtant elle ne cherche jamais à flatter l'auditeur. La musique de Cholley nous donne l'impression de choses déjà entendues auparavant. Jamais cependant ne nous vient l'idée que ce que nous aurions déjà entendu fût meilleur. Aucune phrase musicale ne constitue à proprement parler une citation. Cholley s'approprie différents langages musicaux et les transforme si bien qu'il parvient à créer un langage musical qui lui est propre. Le traitement du chœur fait penser à Debussy ou encore à Duruflé ; le mélange entre la palette sonore et la mélodie évoque souvent Dutilleux ou même Frank Martin.
Le rapprochement avec un style de composition postmoderne dans la veine d'Alfred Schnittke, s'il est décelable dans la partition, n'est que partiellement perceptible dans l'exécution en concert. C'est que le compositeur développe son œvre avec un luxe de raffinement qui vise à traduire au mieux l'esprit, le rythme et la mélodie intérieure des textes mis en musique. Ce n'est pas seulement bien fait sur le plan technique, c'est aussi avant tout la preuve d'une inspiration qu'il est rare aujourd'hui d'observer à un tel degré. Et puis surtout : Cholley trouve semble-t-il sans difficulté parmi tous ces styles de composition le sien propre. La partition de Cholley est particulièrement difficile pour les musiciens et les choristes, mais dans la mesure où il évite le plus souvent une écriture musicale techniquement trop avant-gardiste, sa musique reste jouable par des non-spécialistes.
L'orchestre de Nancy conduit par François Legée s'est révélé d'une étonnante qualité technique et artistique, notamment le pupitre des cordes. Les chœurs de Nancy et de Celle nous sont apparus, malgré le petit nombre de répétitions communes, d'une grande homogénéité, traduisant très bien les finesses de la musique de Cholley : toutes nos félicitations au chef Martin Winkler, à son collègue français et au chœur. Les deux solistes Elisabeth Lanore (mezzo) et Albrecht Pöhl (baryton) ont également été d'un très haut niveau. Il nous faut notamment mentionner la beauté et la force expressive de la voix de madame Lanore. Un seul bémol à ce concert au total très impressionnant : le style récitatif excessivement pathétique de Ernst Stankovski dont les effets paraissaient trop souvent affectés et extérieurs pour être vraiment crédibles.
La Chanson du Mal-Aimé à Nancy
La Chanson du Mal-Aimé à Barcelonnette
Passion selon Saint Jean - Bach
Messe en ut de Mozart à Epinal
François Legée l'homme orchestre
L'ensemble Gradus ad Musicam, qu'il dirige depuis sa fondation, fête cette année ses 20 ans.
I
Depuis 20 ans qu'il anime l'ensemble Gradus ad Musicam, il estime que le seul bilan et les multiples projets qu'il a toujours en réserve doivent suffire à montrer l'intérêt d'une structure unique dans le panorama musical régional.
En effet, Gradus ad Musicam permet à des musiciens amateurs, encadrés par des professionnels, de se perfectionner et de produire des concerts de qualité dans des répertoires sortant des sentiers battus.
« En deux décennies, 1 200 à 1300 musiciens amateurs sont passés dans les rangs de Gradus. Et le taux de départ est très faible. » C'est la preuve que les artistes amateurs trouvent ce qu'ils cherchent et se plaisent au sein de l'association. Ils peuvent choisir entre trois formations chorales (un grand chœur, un ensemble vocal et un chœur de chambre) et deux ensembles orchestraux (un grand orchestre et un orchestre de chambre). Originaires de toute la région et de divers milieux socio-professionnels, les musiciens amateurs doivent être assidus aux répétitions. « Le taux d'absentéisme est faible: 9 à 10 % ». Trois absences non motivées aux répétitions bi-hebdomadaires et on est viré (gentiment, mais fermement). L'exigence de qualité l'impose. Quant aux chefs de pupitres, professionnels, ils sont présents tous les jours et rémunérés à la vacation. Ils assurent aussi des cours particuliers. Une véritable aubaine pour les membres de l'association qui peuvent bénéficier de leçons particulières, au tarif horaire de 50F, après paiement d'une cotisation annuelle de 200F.
Chef bénévole
Discret, François Legée ne se targue pas d'assurer la direction bénévolement.
Ancien assistant de Jacques Grimbert; directeur de la musique à l'université de Paris-Sorbonne et élève de Jean-Sébastien Béreau au conservatoire de Paris, le chef de Gradus tire sa subsistance d'un poste de professeur d'éducation musicale au lycée Chopin, complété par une mission au service d'action culturelle du rectorat.
En 20 ans, la baguette bénévole a trouvé le temps de diriger plus de 500 concerts dans la région et ailleurs, dans l'Hexagone et à l'étranger.
« On pourrait tourner pendant des années avec le Requiem de Mozart » reconnaît le chef. Il s'y refuse. Découvreur et défricheur, il préfère proposer à ses musiciens et au public des œuvres contemporaines et des créations mêlant plusieurs formes d'expression artistique, comme le théâtre et la danse. Et de rappeler « Amer Tango », « Tap Dance » autour des œuvres de Sylvestre Revueltas, « Usager de l'espace II » de Didier Lockwood ou encore « Le chant des rouleaux » de Pierre Cholley.Ami de François Legée et compagnon de route de Gradus, Pierre Cholley devait être sollicité pour composer une œuvre à l'occasion des 20 ans de l'ensemble.
Pour des raisons budgétaires, la commande attendra et les membres de Gradus ad Musicam feront la fête en famille.
En attendant, ils donnent rendez-vous à leurs nombreux amis pour leur premier concert de l'année, lundi 21 janvier à 20 h 30, salle Poirel, avec un programme consacré au concerto pour flûte de Khatchatourian (soliste : Catherine Debever-Perrier), concerto pour violoncelle d'Arthur Bliss (avec Anouk Viné) et concerto pour accordéon de Richard Galliano (soliste : Anthony Millet).
Sur l'échelle limitée des notes et des sons, Gradus ad Musicam ajoute les degrés infinis de la passion.
SOS trombone
C
« Lorsque Gaston Stoltz voyait qu'un élève s'intéressait au sollfège, ce qui rebutait la plupart des potaches, il lui proposait alors d'intégrer la chorale et s'il voyait qu'il était doué, il convoquait les parents pour qu'ils acceptent que leur enfant étudie un instrument. Moi, j'avais le béguin pour la flûte. Mais Gaston Stoltz avait besoin d'un tromboniste. Il m'a mis entre les mains d'un de ses amis qui avait été trombone solo à l'Opéra de Paris. Car le maître s'était créé un petit conservatoire pour les besoins de son orchestre. Il faisait appel à ses copains pour donner des cours particuliers et gratuits, financés par les œuvres sociales du lycée. »
SouvenirsC'est de cette manière que le fils de militaire fit ses débuts de musicien. Pas question cependant pour ses parents d'accepter qu'il fasse de la musique son métier. Intéressé par les sciences, François Fossano a fait un an de fac puis est entré chez F'rance Télécom qui a assuré sa formation en finançant sa licence de physique à Paris.
Durant ses 28 mois de service militaire en Algérie, il a créé, à la demande d'un gradé, un orchestre de variétés. De retour à Nancy, où il a effectué toute sa carrière jusqu'à sa retraite en 1993, François Fossano a pratiqué la musique en amateur, comme choriste aussi bien que chef de chœur et instrumentiste.
Il a participé à l'ensemble de Gérard Caillet de 1975 à 1985 et à Gradus ad Musicam, dès 1985. Il en fait toujours partie. Le musicien se souvient avec émotion de sa participation à de grands concerts avec orchestre où il était fait appel aux chorales amateur.
Il se rappelle le Requiem de Berlioz, place de la Carrière, noire de monde jusqu'à la place Stanislas en juin 1981 ou encore la Damnation de Faust du même Berlioz, un compositeur qu'il affectionne, en novembre 1994, à l'Opéra de Nancy.
Dans les années 60, Gaston Stoltz lui avait demandé de monter un quatuor composé de deux trompettes et deux trombones pour les besoins d'un concert.
C'était le début de l'Ensemble de cuivres dont la formation a été renouvelée en 1996 pour rassembler une vingtaine de musiciens. Ils donnent cinq à six concerts par an dans la région et participent à une tournée européenne chaque année.
En hommage et par fidélité à son ancien maître, François Fossano joue aussi dans l'orchestre Gaston Stoltz dirigé par Daniel Colombat.
Sans compter les ensembles qui font ponctuellement appel à lui. « C'est SOS trombone » plaisante-t-il. Il était donc logique qu'à l'heure de ses 70 ans, ses amis musiciens décident à leur tour de lui rendre hommage en organisant un concert public et gratuit, samedi 29 novembre au temple Saint-Jean, place Maginot à Nancy.
Il y a fort à parier que le tromboniste ne restera pas en coulisse.
Pour fêter l'anniversaire de François Fossano, les membres de l'ensemble de cuivres portant son nom ont programmé un concert public et gratuit, samedi 29 novembre à 20 h 30, au temple Saint-Jean, place Maginot
Dans "Le Chant des rouleaux", les poètes racontent l'indescriptible et la musique de Pierre Cholley dit l'indicible. Poignant.
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Sous la direction de François Legée, des collégiens travaillent un opéra-jazz de Didier Lockwood, « Journal d'un usager de l'espace II ».
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Cent soixante dix musiciens et choristes dans le chœur de la cathédrale, et quatre cents auditeurs sous le charme de la « Misa Tango ».
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